Le savoir-vivre, paraît-il, s’installe dans le Ier arrondissement comme une touche de cuillère à pot qui vient transpercer les flans du Cheval Blanc du Seigneur des Arnault. Voilà l’histoire d’un « Songe d’une Nuit d’Automne », et si le comptoir m’était conté, ce restaurant hôtel parisien pourrait représenter les arts narratifs Français. Il est vrai que les écrivains ont étroitement lié leurs créations aux institutions de bouche ; c’est un peu l’histoire de Paris, et c’est Tristan Bernard qui compte parmi les premiers dramaturges à utiliser les estaminets comme une unité de lieu.
Nous voilà au pied de l’ancienne poste du Louvre, et une soif froide d’un soir où l’été indien faisait rage dans la capitale, nous faisait rêver de la douce sensation délicieuse d’un cocktail à base de sureau nous coulant dans la gorge comme si Dionysos lui-même, divinité des transgressions et de l’ivresse nous attirait dans ce lieu. Madame Rêve tout un programme !
Deux jeunes filles placées à l’entrée, ex-mannequins, bimbos du restaurant Pouchkine, vous regardent du haut de leurs talons comme deux déchets de la ville de Paris, avec ce regard qui nous laisse à penser le message suivant : « vous, vous n’avez pas le droit de rentrer ici « . Mais, avec la mode, j’ai l’habitude, et je ne me laisse pas impressionner. Je me dirige directement au bar et là un grand black en livrée blanche nous accueille. Une table carrée de deux couverts étalait sa robe de marbre à nos pieds, si luisante qu’elle semblait vernie. Les verres, l’argenterie brillaient sous les flammes de douze candélabres perchés au plafond et cela donnait une ambiance du 19 siècle. Seul un homme trône au milieu de cette taverne moderne, errance d’un pilier de bar façon « Hemingway », qui cherche cette inspiration aveuglante absente de lumière.